Disclaimer : nous exprimons nos remerciements spéciaux à l’auteur de cet article, Dominique PERROT, Educateur Comportementaliste Canin et auteur du site www.comportementaliste-educateur-canin.com. Vous êtes éducateur ou comportementaliste et souhaitez-vous aussi contribuer à ce site en y apportant votre expertise : contactez-nous !
Au sommaire
Introduction
Les comportements qui produisent des satisfactions auront tendance à se reproduire et les situations associées à des satisfactions auront tendance à être recherchées. Inversement les comportements producteurs de désagréments auront tendance à disparaître tout comme les situations désagréables, à être fuies.
Enfin, les comportements générateurs d’aucune sensation se produiront fortuitement et les situations « neutres » ne feront l’objet ni de recherches, ni de fuites.
Ces principes conditionnent grandement l’obtention du rappel.
Pour autant, je considère que le rappel s’obtient naturellement. Il ne devrait pas faire l’objet d’un travail particulier et mes oreilles souffrent aux trop fréquents : « Je veux dresser mon chien au rappel… ». Si c’est le cas, des erreurs ont été commises (j’y reviendrai).
Les interactions de chiens d’une même meute, sont à peu près exemptes de rappels, à l’exception des hurlements rassembleurs et des postures d’invitations au jeu éventuellement. Par conséquent, s’en inspirer pour l’obtenir n’est guère envisageable, hormis l’accroupissement.
Il semble que sa fonction n’est pas où très peu vitale pour la cohésion du groupe et sa survie, l’attraction sociale suffit. C’est donc la domestication et l’utilisation du chien qui ont créé ce besoin.
Conditions préalables au rappel :
Lorsque je m’entretiens avec les propriétaires d’un chiot fraîchement arrivé (8 semaines), j’observe chez eux presque toujours la même extrême impatience à voir bébé Médor obéissant. A peine débarqué il faudrait qu’il soit aux ordres, propre, sage et surtout qu’il revienne au quart de tour.
Je leur réponds qu’un chiot sage est antinomique et que la sagesse d’un vieux chien et nos nostalgies qui vont avec viennent toujours bien trop vite. Puis je martèle un principe qui me tient particulièrement à cœur : l’obéissance n’est pas une priorité, la priorité c’est l’enrichissement et de toute façon pas d’obéissance sans enrichissement.
Je veux que bébé Médor sorte, de partout et notamment en milieu urbain, le plus souvent possible. Durant ces sorties, laissez-le aller au bout de ses curiosités, laissez-le observer olfactivement, buccalement, visuellement, ne le frustrez pas, qu’il se gave de tout surtout (sauf à le mettre en danger ou qu’il mette en danger).
Répétez quotidiennement ses aventures extra territoriales jusqu’à ce que s’usent à peu près tous les stimuli rencontrés. Alors et alors seulement, l’obéissance sera possible. Il sera en capacité d’abandonner une activité pour aller à vous parce que cette activité vous la lui aurez laissée la réaliser jusqu’à satiété auparavant.
L’inverse, c’est-à-dire attendre qu’il soit obéissant pour le sortir est impossible tant la nouveauté des stimulations primera sur vous. Elles seront soit irrésistibles, soit paniquantes. Dans les deux cas vous ne compterez pas.
« Mais il n’est pas encore protégé par ses vaccins ! » Me direz-vous. Le respect de cette idée reçue qui consiste à faire croire qu’il ne faut pas sortir le chiot avant l’immunité vaccinale, soit au moins 4 mois, et en conséquence ne pas créer les situations de panique de rupture du lien lors de promenades en liberté dans des lieux inconnus, met à mal notre objectif.
Cette assertion ne tient pas la route (les anticorps maternels protègent le chiot et le rendent apte à sortir, hormis aux endroits infestés de congénères pouilleux…). Si on suit cette idée reçue, on le socialisera quand il ne sera plus socialisable… et l’enrichissement précoce qui favorisera les rappels futurs est bousillé.
Certains pensent qu’il sera temps de le lâcher à l’âge adulte… Quelle ineptie là encore.
Cas particulier
Pour d’autres (plus nombreux qu’on l’imagine), le problème du rappel ne se pose pas et ne se posera jamais. Ils ne lâcheront en aucun cas leur chien. Souvent des expériences antérieures traumatisantes (chiens écrasés etc.), expliquent leur définitive aversion au lâchage, et la question existentielle, vivre longtemps ou vivre pleinement, peut se poser.
Mais ça n’est pas l’objet de ces réflexions.
Les 4 types de rappel : l’impossible, le possible, le facile et l’évident. (chien sain)
- L’impossible correspond à une exposition à une stimulation trop attractive, irrésistible. Ces stimulations diffèrent selon les individus. Parmi les plus fréquentes, un autre chien (surtout si Médor en a été privé). Dans ce cas de figure il convient de laisser Médor satisfaire ce besoin social et de le récupérer ou de le rappeler après (en phase de satiété voir plus loin). Plus cette tolérance sera répétée, plus vite ce stimulus chutera en intensité et rendra le rappel possible (y compris en phase appétitive voir plus loin).
- Le possible correspond à une stimulation de moyenne intensité et une très bonne obéissance fera l’affaire.
- Le facile correspond à une stimulation de faible intensité et une obéissance correcte suffira.
- L’évident correspond à une absence de stimulation et l’attachement l’automatisera.
Une fréquente exposition à toutes sortes de stimuli permettra progressivement d’aller de l’impossible au possible, puis du possible au facile.
Le rôle de l’obéissance (chien sain)
Inutile dans l’évident, elle favorisera, selon son niveau, le retour dans le facile et le possible, et sera quasi inopérante dans l’impossible. D’où l’importance à passer de l’impossible au possible, puis au facile.
En dehors des attractions sexuelles, à peu près toutes les stimulations peuvent, moyennant habituation, réaliser ces passages. Alors et sous réserve que l’obéissance soit correcte et que les erreurs dont je parlerai soient évitées, les conditions sont réunies pour un bon rappel.
Le moment opportun
Une séquence comportementale classique se décompose généralement en trois phases :
- Il capte un stimulus (phase appétitive),
- il l’explore (phase consommatoire où il satisfait sa pulsion),
- il la termine (phase de satiété)
Ensuite et avant une autre captation, il est disponible, c’est le bon moment pour le rappeler.
Il est facile de guetter cet instant, et l’avantage est double : le risque d’échec est minime et le rappel n’est pas associé à une interruption de plaisir. Souvent la fin de la séquence est indiquée par une miction (jamais de miction en début d’identification olfactive), comme s’il donnait son avis après lecture…
Les chiens hyper actifs/hyper sensibles, aux séquences comportementales non organisées et sans phases d’arrêt, ne sont jamais disponibles.
Bien sûr, en cas d’urgence il devra revenir quelque soit le stade de la séquence, mais nous n’en sommes pas là.
Pourquoi ne revient-il pas ?
Erreur classique :
Qui n’a pas mis fin à une promenade en liberté par un rappel (il faut bien rentrer) synonyme d’attache. C’eut été moins préjudiciable au rappel si cette association avait été diluée au profit d’autres, positives celles-ci, au sein d’une même promenade. Autrement dit, rappeler plusieurs fois son chien (aux moments de disponibilité), le fêter et le relâcher, puis quand il faut partir, « s’arranger » pour être à proximité et le rattacher sans ordre, devrait être la règle.
Divers :
Liberté trop rare et énergie accumulée, séquences de défoulement non structurées, attendre l’épuisement pour le rappel, rassasié il reviendra.
Déclencheur de jeux (poursuite) Le chiot part dans tous les sens, sans organisation et sans autre objectif que le défoulement. Mais il repère très vite quels actes nous font réagir et essayer de l’attraper lui plait plus que tout.
Espaces capacitants / espaces invalidants :
Par exemple je considère capacitant un secteur clôturé et jonché de bosquets et d’arbres offrant moult cachettes. Son caractère clos rassure le maître inquiet et ses demandes de retours seront mieux exprimées, plus limpides, parce que moins parasitées d’inquiétude. Sa densité en obstacles obstruant la vue incite Médor à plus d’attention visuelle.
A l’inverse je considère invalidant un secteur non sécurisé.
Son caractère insécurisé (par exemple trop proche d’une route fréquentée) inquiète le maître et ses messages de rappel n’auront pas cette tranquille assurance qui les facilite. La panique transportée par la voix souvent mariée à des courses vers Médor pour le « sauver » floutent le message quand elles ne le transforment pas en son contraire (courir vers son chien = jeux de poursuite).
Donc de la même façon que l’on passe de stimulations faibles vers des plus fortes graduellement, il faudrait passer des espaces capacitants aux invalidants également graduellement.
Les échecs répétés où l’apprentissage de la désobéissance :
Zéro échec : simple (aucun ordre, sauf si certitude de sa réalisation). L’avantage est double : zéro échec et rareté de l’ordre. L’obéissance s’use, plus on s’en sert, moins il en reste… La trop grande fréquence des ordres transforment ceux-ci en bruit de fond… évitez le gaspillage.
Il revient de lui-même ? Alors on l’appelle, succès garanti.
D’une manière générale, moins vous l’appellerez plus il reviendra.
Comment l’obtenir :
En étant vous-même la plus attractive des attractions.
Soyez la motivation suprême, par la consolidation quotidienne du lien affectif et par l’éducation joyeuse.
En lui donnant envie
La gestuelle (notamment en s’accroupissant) et le ton doivent être avenants et correspondre à la séquence. La demande doit être clairement formulée (trop souvent les maîtres se contentent de nommer le chien, au mieux, il dressera les oreilles…) ; « Médor, viens ! » par exemple, plutôt que : « Médooooooooorrrr… ».
A ce propos, lorsque vous promenez votre chien et qu’il s’éloigne, lui tourner le dos (de face, même immobile, le chien « croit » que vous allez à lui, sa perception visuelle très bonne latéralement, est passable en profondeur), changer brutalement de direction etc. vont l’obliger à plus d’attention.
Dans le même souci (le rendre attentif), soyez muet, votre voix le rassure quant à votre proximité… et ne renforce donc pas sa vigilance.
En se posant la question : pourquoi ne revient-il pas ?
Effectivement, se poser la question du pourquoi tel ou tel comportement indésirable s’installe ou est installé, plutôt que de s’y attaquer bille en tête, permettra une extinction naturelle et profonde. Inversement une solution « artificielle » restera fragile et entraînera d’autres troubles comportementaux qui entraîneront d’autres solutions « artificielles » qui entraîneront etc… un cercle infernal.
Je prends un exemple très répandu, la fugue : « Comment l’empêcher de fuguer ? Vaut-il mieux l’attacher ou mettre un fil électrique… » me demande t-on fréquemment. Je réponds que plutôt que de l’empêcher physiquement de fuguer, il faudrait que cette pulsion s’éteigne naturellement. Donc se poser la question : pourquoi fugue t-il ?
La plupart des fugues que j’analyse ont pour origine une pauvreté de contacts sociaux. Tout naturellement, ces chiens vont essayer de satisfaire ces besoins d’eux-mêmes. Leurs escapades vont être renforcées par des rencontres de congénères, d’enfants etc.
Partant de ce constat, le bon moyen d’éteindre ce comportement est tout trouvé : il va s’agir d’associer le chien aux sorties sociales (aller chercher les enfants à l’école, l’emmener au marché etc.) Si la fréquence est soutenue, tout naturellement, la pulsion de fugue diminuera jusqu’à extinction.
L’empêcher physiquement, c’est-à-dire contrarier son besoin, le conduira à évacuer cette frustration par d’autres comportements indésirables (aboiements…), par des activités de substitution (léchage d’anxiété etc.). Bien sûr c’est un peu plus complexe (défaut d’attachement au groupe, fugues alimentaires, sexuelles etc), mais j’ai évoqué la plus courante et elle me paraît bien illustrer le sujet abordé (se poser la question du pourquoi).
Enfin, je suis de plus en plus convaincu que sortir son chien ne crée pas un besoin mais l’assouvit.
Par des associations renforçantes.
Partant du principe qu’un comportement récompensé a plus de chance de se reproduire qu’un comportement sanctionné ou ignoré, il apparaît évident que récompenser le retour le multipliera.
La récompense renforcera le retour si elle lui est directement associée, c’est à dire si le retour est immédiatement récompensé.
Un retard de récompense nuira à l’association (au même titre qu’une récompense trop précocement administrée qui bloquerait l’acte sensé être renforcé et récompenserait un acte intermédiaire).
La récompense peut revêtir plusieurs aspects. Il va s’agir de cerner celui qui va le mieux convenir à tel ou tel chien et à telle ou telle situation.
La friandise, la caresse, le jeu etc., faites le bon choix, le bon poids.
Par l’immobilisation.
Cette espèce de capture qui permet de récupérer un chien en lui intimant un « pas bouger » à distance quand le rappel n’opère pas et qu’il est immobile, est assez fonctionnelle en effet.
J’y vois deux explications :
La première concerne des chiens qui voient dans le rappel une invitation au jeu… Ceux-ci ont mémorisé les courses poursuites des maîtres biens moins véloces, et malhabiles à rattraper Médor qui s’en donne à cœur joie ! Pour casser cette ambiguïté due à une formulation équivoque (ordre ?/jeu ?), un commandement préalablement appris, type « pas bouger », qui lui ne laisse place à aucune interprétation, va clairement notifier à Médor que l’heure n’est pas à la rigolade et qu’il faut obtempérer !
La seconde explication émane de ce constat : il est plus facile de bloquer une séquence comportementale avant son déclenchement, que d’interrompre son cours (en l’occurrence quand Médor est immobile).
Comment sanctionner le non-retour :
Quelques principes élémentaires à connaître avant de sanctionner :
- S’assurer que le chien a bien intégré que tel ou tel comportement est interdit, donc répréhensible.
- Etre cohérent et ne pas sanctionner un même comportement selon l’humeur (exemple : sanctionner les sauts quand on est « bien habillé » et les accepter, voire les renforcer en habits ordinaires…).
- Sanctionner de manière proportionnée à son caractère (une voix ferme suffira à un très soumis et fera « rire » un très dominant qui réclamera une réponse plus énergique).
- Sanctionner au « moment où il va… », pendant c’est presque trop tard, après n’en parlons pas.
- Stopper la sanction aux premiers signaux de soumission, émis pour çà.
Si ces principes sont respectés, le chien évitera de reproduire le comportement répréhensible, mais n’évitera pas son maître.
Je redis ce que j’avais déjà dit, une sanction ne doit surtout pas être anxiogène, sinon c’est le commencement de la fin…
Appliquer ces principes au non-retour est à peu près impossible puisque Médor n’est pas physiquement à portée de la main au moment de la faute, et sanctionner verbalement, à distance, au bon moment (au moment où il n’obtempère pas), va à l’encontre de ce que je considère comme étant l’aspect fondamental du rappel : lui donner envie de venir, antinomique d’une voix menaçante…
Idéalement, il faudrait que la sanction tombe du ciel, et soit perçue comme indépendante du maître qui serait alors le refuge. A cet égard le collier électrique peut, bien utilisé, être utile. En effet, il permet la sanction à distance, puisque télécommandée.
« Outils » pour le rappel
La laisse :
Et oui… le rappel commence à un mètre !
La longe :
La plus fine et légère possible, et éviter le nylon, d’une quinzaine de mètres environ.
Son bon emploi varie selon les cas, mais ce bras à rallonge doit obéir à quelques principes : être le moins souvent possible en tension (au même titre que la laisse) pour se faire oublier, varier les endroits et les situations requérant son usage et surtout, y voir plus une sécurité qu’un moyen.
Un congénère au bon rappel :
A condition que son pouvoir attractif soit plus puissant que ceux des stimulations captées, et que ce pouvoir ne décroisse pas plus vite que les pouvoirs attractifs des stimuli.
Par conséquent, il peut être utile momentanément, ou ponctuellement.
Pour un chien rompu aux contacts de congénères, son apport sera minimaliste, et sera appréciable pour un chien avide d’interactions intra spécifiques parce que trop privé de celles-ci.
Exemple ma chienne Nova, qui permet par son intrusion, d’aider à l’interruption d’une séquence attractive et d’obtenir le rappel par « mimétisme », mais qui le permettra rarement deux fois de suite, l’effet de surprise attractive étant vite consumé.
Collier électrique :
A l’occasion de l’entretien (au domicile de mes clients) qui précède l’éducation proprement dite, il n’est pas rare que j’observe sur un coin de table ou accroché à un mur, un collier électrique. Pourtant, ils m’ont sollicité… d’où la relative utilité de cet outil.
Description, utilisation et utilité du collier électrique :
Exemple Roxy (Spitz) : régulièrement sanctionné verbalement à son retour pour avoir trop tardé à venir, son rappel s’est vite dégradé, au point de ne plus revenir du tout. Au stade d’installation où en était ce comportement quand je l’ai rencontré, ni les friandises, ni les appels joyeux n’étaient opérants. Pour le capturer, son maître avait épuisé toutes sortes d’astuces qui n’ont fonctionnées qu’un très court temps (ouverture de la voiture etc.).
Dans ce cas il m’a paru nécessaire de combattre le mal par le mal. C’est à dire que ne pas venir devait déboucher sur une sanction plus dissuasive que celle qu’il avait associé au retour, et qu’entre deux maux il choisisse le moindre.
Equipé d’un collier électrique au tour de la poitrine (trop petit cou), l’impulsion électrique, réglée au plus bas, l’a, après deux essais seulement, conduit à revenir sitôt l’appel pour éviter la sanction du collier et préférer celle (du moins le croyait-il) du maître, qui a pu alors, par ses caresses, casser cette association installée. En une séance ce problème a été réglé… les Spitz sont très intelligents.
Par contre le jet de gravillons recommandé par certains, offre généralement une stimulation supplémentaire et rajoute à la difficulté…
Le sifflet :
Une association sifflet/récompense peut aider à des rappels de types faciles et évidents (c’est à dire lorsque le chien est peu ou pas stimulé).
En cas d’attractions fortes, son efficacité est plus que modeste.
Son principe est pavlovien, il consiste à associer son et récompense (friandise hyper appétente). Condition sine qua non : que la force attractive du stimulus soit inférieure à celle de la friandise.
Conclusion :
Ces réflexions ne prétendent pas à l’exhaustivité (auraient pu être abordés : rappel/races, rappel/caractères, rappel/âges etc.), seulement à mettre la loupe sur quelques aspects de ce problème récurrent, le rappel.
Elles proposent des explications et quelques pistes que 30 années d’observations quotidiennes de plusieurs milliers de chiens et de maîtres m’ont inspirées.
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Mise à jour de l’article : décembre 12, 2018